La loi 41-2024, récemment adoptée en Tunisie, introduit des changements significatifs dans la gestion des chèques, marquant une évolution importante du cadre légal et des pratiques bancaires du pays. Cette législation vise à moderniser le système des chèques, à réduire les sanctions liées aux chèques sans provision et à mettre en place de nouveaux mécanismes pour sécuriser les transactions financières. Lors d’une demi-journée d’information organisée par CONECT Bureau Tunis le 28 août 2024 au siège de la CONECT, M. Mohamed Nekhili, DC des affaires Juridique au sein de la BTK et Maître Med Adel Belhajala , Avocat à la cour de Cassation, ont présenté une analyse approfondie des principaux avantages et défis associés à cette nouvelle loi.
Avantages de la Nouvelle Loi
1. Dépénalisation des Chèques Sans Provision :
L’un des changements majeurs introduits par la loi 41-2024 est la dépénalisation des chèques sans provision pour les montants inférieurs ou égaux à 5 000 dinars. Cette mesure permet d’éviter l’emprisonnement des émetteurs de chèques de petite valeur, allégeant ainsi la pression judiciaire sur les petites entreprises et les particuliers.
2. Modernisation et Sécurité des Transactions :
La nouvelle loi impose que tous les chèques soient désormais “barrés”, ce qui signifie qu’ils doivent obligatoirement transiter par une banque, réduisant ainsi les risques de fraude. De plus, l’abolition de la mention “au porteur” et l’obligation d’inscrire le nom du bénéficiaire augmentent la traçabilité des transactions.
3. Vérification des Fonds en Ligne :
La mise en place d’une plateforme numérique par la Banque Centrale Tunisienne pour vérifier la disponibilité des fonds avant l’encaissement d’un chèque est une avancée majeure. Cette innovation réduit le risque d’impayés pour les bénéficiaires et améliore la transparence des transactions.
4. Flexibilité et Responsabilité :
En révisant les sanctions pour les chèques sans provision, la loi favorise des solutions amiables avant l’engagement de poursuites judiciaires. Les délais de traitement des chèques impayés sont également réduits, facilitant ainsi la gestion des conflits financiers.
Inconvénients et Défis de la Nouvelle Loi
1. Risques de Délais dans la Mise en Œuvre :
Bien que la loi prévoit une plateforme numérique pour la vérification des fonds, son activation n’est prévue que pour février 2025. Durant cette période de transition, les entreprises, notamment les petites et moyennes entreprises (PME), pourraient rencontrer des difficultés liées à l’absence de textes réglementaires clairs, comme l’a souligné M. Chekib BEN MOSTFA, membre exécutif du bureau national de la CONECT. L’absence de ces textes pourrait entraîner une confusion dans l’application des nouvelles règles.
2. Plafonnement des Chèques :
L’introduction d’un plafond de 30 000 dinars pour chaque chèque et d’un plafond général pour chaque carnet de chèques, basé sur la capacité financière du demandeur, pourrait limiter la flexibilité des entreprises dans leurs transactions financières, notamment pour celles ayant des besoins de trésorerie plus importants.
3. Incertitudes pour les PME :
La CONECT a exprimé des préoccupations concernant l’impact potentiel de la nouvelle loi sur les PME. La demande de clarification sur le transfert des bénéfices des banques vers les lignes de financement des PME souligne un risque de manque de transparence et de favoritisme, ce qui pourrait désavantager certaines entreprises dans l’accès au financement.
4. Réduction des Peines, mais Maintien d’une Pression Financière :
Bien que les peines d’emprisonnement aient été réduites, les amendes restent conséquentes, avec 20% du montant du chèque impayé. Pour certaines entreprises en difficulté financière, cette sanction pourrait encore représenter une charge importante.
La loi 41-2024 sur les chèques en Tunisie représente une réforme ambitieuse visant à moderniser le cadre légal des transactions financières et à renforcer la sécurité des opérations bancaires. Cependant, cette transition comporte des défis, notamment en ce qui concerne la mise en place des textes réglementaires et l’accompagnement des PME dans l’adaptation à ces nouvelles règles. Si la loi offre de nombreux avantages, elle devra être suivie d’une mise en œuvre efficace pour maximiser ses bénéfices et minimiser les inconvénients pour les acteurs économiques tunisiens.
Asma BACCARA